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TW/CW : émétophobie/vomissements (mention) ; langage sexuel

Corps avachi sur le sol, front posé contre la faïence des toilettes dans lesquelles je viens de rendre mon dîner.
Taz, pourquoi tu continues de faire ça ?
J’en sais rien Judy. J’en sais foutrement rien. Je crois que je sais pas faire autrement.  Que j’en ai besoin. Faut bien qu’un de nous deux gère notre libido à la con. Puis il m’avait payé à boire, ça valait bien une petite pipe.
Crétin.
Je sais Jude, je sais. Je suis un idiot, pathétique, en manque de sexe, prêt à me laisser aller avec le premier venu. Je me dégoûte parfois. Souvent. J’arrive à me redresser, pose mon dos contre la paroi de la cabine. Fais chier. Dire que je pourrais être au chaud à la maison à cette heure-ci. Mais c’était une soirée tranquille au boulot, et la patronne a fermé un peu plus tôt que prévu, du coup nos collègues ont proposé de sortir s’amuser un peu en ville. J'ai accepté bien sûr. Je ne sais plus à quand remonte mon dernier date, j'avais envie de me changer un peu les idées et trouver quelqu'un avec qui finir la nuit. Ils ont proposé d’aller au Pride. J’ai réussi à rentrer sans trop de mal avec mon faux permis, je suppose que les vigiles sont moins méfiants quand t’es entouré d’adultes que quand toute une bande d’ado essaient de gratter. On s’est enfilé quelques verres ensemble au bar avant qu’ils n’aillent danser. Ils ont essayé de m’entraîner avec eux mais j’ai préféré m’éclipser pour la piste masculine, priant pour qu’aucun d’eux n’y aille aussi. Je veux pas qu’ils me voient comme ça, que leurs regards sur Jude changent. Il les aime bien, et moi aussi je les trouve plutôt sympa. Je veux pas tout foirer.  
J’ai réussi à enchaîner quelques pas pas trop maladroits, me frottant parfois avec plaisir contre ceux qui s’approchaient de moi. Y’a pas besoin de mots ici, pas de promesses, de bavardages. Juste des corps en contact, des peaux qui se touchent, des regards qui se croisent, des lèvres qui se frôlent. Mes jambes ont fini par crier grâce et je suis allé me poser un instant au bar. Je me suis payé mon premier verre, les deux suivants m’ont été offerts par un gars assis un peu plus loin et qui m’a fait un signe de tête vers les sanitaires quand j’ai avalé le deuxième. Je sais pas vraiment comment ils savent. Qu’ils peuvent m’aborder, me payer à boire, et que ça suffira. Je dois dégager quelque chose. Merci Nick. Je devrais le détester. Jude le déteste. Moi il me manque parfois. Ca, ça me fout en rogne. Il ne devrait pas me manquer. Je devrais être soulagé. Je sais pas ce qui tourne pas rond chez moi. Je l’ai encore dans la peau.
Tu vas le suivre ?
Sans doute. Quand j’arriverais à me relever.
“On peut poursuivre la soirée dans un lieu plus tranquille” qu’il m’a dit en remontant son pantalon. “Je vais fumer, je t’attends dehors”
Ses doigts ont glissé contre ma nuque. Je pensais le suivre rapidement mais mon corps en a décidé autrement, et j’ai juste eu le temps de claquer la porte de la cabine avant de vomir.
Je me lève enfin et m’arrête devant les lavabos pour me passer de l’eau froide sur le visage et tenter d’enlever un peu de ma bouche le goût de bile et de sperme qui s’y accroche. Je redescends ensuite vers l’entrée de la boîte en envoyant un message sur le groupe messenger des collègues de la Cantine. “Je rentre, amusez-vous bien. Merci pour la soirée, à demain midi pour ceux qui sont de service”. Je frissonne en quittant l’ambiance chaude et moite du bâtiment. Les journées ont beau se réchauffer, les nuits restent bien froides et je suis bien content d’avoir un pull et un blouson, dans les poches duquel je glisse mes mains en cherchant du regard mon coup de ce soir. Je le repère rapidement à quelques pas de là, haute silhouette fumant sous un lampadaire. Je le détaille un peu mieux en avançant que je ne l'ai fait plus tôt. Grand, blond, une barbe de quelques jours mangeant sa mâchoire carré. Il a enfilé un blouson en cuir sur son t-shirt à manches courtes. Arrivé à sa hauteur, je lui pique sa cigarette sans un mot pour tirer dessus. Ca le fait sourire, un truc un peu carnassier, prédateur.
- Du genre effronté, hein ? Ca me plaît. Je sens qu’on va bien s’amuser tous les deux. Allez viens, ma moto est garée un peu plus loin.
Il pose son bras sur mes épaules, m’entraînant le long de la promenade.

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TW : violence, vulgarité

Je crois que c’est l’insulte qui nous prend à la gorge en premier, avant qu’on ne reconnaisse la voix. Elle était bien trop présente dans la bouche des frangins, bien avant qu’on se mette à embrasser des garçons, pour le seul fait d’avoir décidé de faire du patinage artistique. Pendant des mois, y’a plus vraiment eu de Jude dans leur bouche, juste des insultes, qu’on était trop jeune pour comprendre.
Puis on réalise à qui appartient la voix, et là c’est la peau qui réagit. Chair de poule partout, sauf notre joue et notre nez qui brûlent au souvenir de leur rencontre avec le poing du paternel quand il a découvert. Jude a envie de croire que Sasha ne nous ferait jamais ça, qu’il n’est pas Jeremiah Moriarty mais j’ai aucune confiance.
Le bras autour de mes épaules s’en va tandis que le mec qui était censé me tenir compagnie ce soir se retourne, répondant à la provocation de Sasha. Je ne comprends pas à quel jeu joue mon oncle mais je lui fais face à mon tour, en restant cependant en retrait, mains dans les poches, regard farouche, refusant de baisser la tête alors que Jude rêve juste qu’on se barre le plus loin possible. On est juste d’accord sur la possibilité de ne pas rentrer à la maison ce soir. Ni demain.
Je tremble bien malgré moi quand Sasha donne le premier coup, frappant l’autre gars au visage. Je crois entendre un craquement. Ca s’enchaîne, rapidement ils sont tous deux à terre, les coups pleuvant d’un côté et de l’autre. Finalement, Sasha relève la tête, sa main retenant le visage de son adversaire contre le bitume mouillé, et tourne son regard vers moi avant de me lancer quelque chose que j’attrape par réflexe. Ouvrant la main, je découvre des clés de voiture et reste interdit un instant. Qu’est-qu’il…
Rentrons Taz. Quoi qu’il nous fasse, ce sera jamais pire qu’à la maison.
Oh non Judy, ce serait trop simple. Je sais pas pourquoi je vois rouge d’un coup. Toute la pression de la semaine, mes plans qui tombent à l’eau, un ras-le-bol général, la colère que je garde tapie depuis mon arrivée ici. Je refuse de suivre Sasha, d’écouter ce qu’il a à me dire, de me faire sermonner sur ma putain de conduite.
Je lui relance violemment ses clés au visage avant de lancer d’un ton rageur :
- MAIS BORDEL DE MERDE ! JE PEUX SAVOIR CE QUI TE PREND ? TU T’AMUSES SOUVENT A TABASSER DES MECS GAYS ?
TAZ ! Mais ça va pas ? Tais-toi s'il te plaît, va pas aggraver les choses.
Y'a pas moyen.
- C’est ça le genre d’activité auxquelles tu t’éclates quand t’es pas à la maison ? Je devrais sans doute applaudir qu’au moins tu aies choisi un mec de ta carrure et pas le premier maigrichon efféminé qui serait sorti de là. Ou alors c’est juste pour ce soir parce que tu m’as vu ? C’est moi le problème ?
Je gueule fort. Sans doute trop. On est encore près de la boîte de nuit et des personnes commencent à s’approcher, attirées par la bagarre ou par mes cris. J’aime pas être le centre de l’attention mais j’arrive pas à arrêter le venin qui s’écoule de ma bouche :
- Suprise, ton neveu se tape des mecs. Désolé, tu t’attendais sans doute pas à ça. Ca va, tu t’es assez défoulé ? Ou alors il te reste de l’énergie et je suis le suivant ? Oh, tu préfères peut-être régler ça en privé, loin des regards indiscrets. C’était pour ça les clés ? On pourra faire ça tranquillement à la maison, en famille. J’espère que tu fais pas trop de bruit quand tu frappes, faudrait pas réveiller les filles. T’inquiète pas pour moi, je sais être vraiment très silencieux. Je crie que sur demande.
Je me suis approché de lui et m’arrête enfin de parler, le souffle court, les yeux brillants mais le regard assassin, le visage bouillant, la rage encore bien ancrée au ventre et le crâne plein de Jude qui m’insulte de tous les noms. Géniale la soirée.

La voix de Sasha me semble bien trop douce, trop calme, en comparaison de la tempête qui a franchi mes lèvres. J’aimerais qu’il s’énerve, qu’il me gueule dessus. Ce serait tellement plus simple. Notre père gueulait souvent et fort, dès que quelque chose n’allait pas exactement dans son sens ou comme il l’avait prévu. En privé seulement bien sûr. Je pense qu’il s’énervait d’autant plus contre nous qu’il passait ses journées à maintenir les apparences et devoir garder son calme devant des personnes qui l’insupportaient au plus haut point. C’était pire quand il le faisait pas, quand sa voix froide nous faisait comprendre à quel point on avait merdé. Nick était du genre gueulard aussi, s’énervant facilement quand je ne réussissais pas correctement mes enchaînements pendant les entraînements, mais c’est parce qu’il voulait que je donne le meilleur de moi-même. Je ne veux pas que Sasha soit sympa avec moi, je vais finir par m’en vouloir encore plus fort. Je veux des cris, des coups, des bleus qui me rappellent douloureusement que je suis vivant. Je sais pas comment supporter, comment gérer Sasha et sa gentillesse, sa patience, son envie de mieux me comprendre.
J’éclate d’un rire sans joie quand il commence à me sortir un laïus sur le gars avec qui j’étais. Pourquoi faut-il qu’il s’inquiète ? Pourquoi maintenant ? Si seulement ça pouvait être aussi simple qu’il l’imagine. Une expérience, une connerie d’ado qui veut grandir trop vite, qui veut tout tester, qui à s’y brûler les ailes. Sasha détourne un instant son attention de moi et se relève en s’énervant contre la foule qui nous entoure, leur disant de dégager. Mais mon répit n’est que de courte durée et il revient bientôt à la charge. Ses mots font mal. Ils ne devraient pas. Qu’un homme dont je ne partage pas le sang me considère plus comme un membre de sa famille que mes propres parents… Je ne suis qu’un sale con, et je suis vraiment allé trop loin dans mes propos. Ce n’est pas un homme violent. Pas avec sa famille. Il n’est pas notre père. Il les regarde tous avec tellement d’amour et de fierté. Ca fait mal. De comprendre de quoi j’ai été privé pendant des années, de voir à quoi devrait ressembler une famille. De nous imaginer grandir dans un foyer comme celui-là, à ne pas surveiller le moindre de nos gestes, la moindre de nos paroles, à ne pas s’entraîner involontairement à être le plus discret possible, ne pas se faire remarquer. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas craquer, sentant poindre les larmes au bord de mes yeux. Je me force à reprendre contenance, enfonçant mes mains dans les poches de mon blouson, me fabriquant une armure de provocation et d’insolence. Parce que c’est la seule défense que je connaisse. Rejeter les autres, ne pas les laisser me voir au plus mal.
- Et tu te bases sur quoi pour supposer que je ne suis qu’un crétin aveugle qui a décidé le premier inconnu qui passait par là ? Peut-être que j’en avais envie. Peut-être que parmi tous les mecs bien gaulés rassemblés ici ce soir, j’ai volontairement choisi celui là justement parce qu’il sentait le traquenard à plein nez. Et que c’est ce qu’il me fallait.
Taz arrête, s’il te plaît.
Jude revient à la charge, avec moins d’insultes et un ton bien plus suppliant. Je devrais m’en tenir là ce soir, pour lui. Parce qu’il a raison, je ne vais pas être le seul à subir les conséquences de cet échange, quelqu’en soit l’issue. Mais j’arrive pas à m’arrêter. Ca a besoin de sortir.
- C’est trop tard pour la leçon Sasha. Beaucoup trop tard.
Ma voix se brise. Il arrive des années trop tard. Y’a plus rien à apprendre, plus rien à éviter, et pas assez de restes en bon état pour tenter de réparer. J’ai pris la seule voie qui se présentait à moi, malgré les risques. Ca fait mal, ça piétine les miettes fugaces de mon estime, mais c’est la seule que je connaisse, et d’une certaine manière, c’est plus rassurant que de devoir trouver une manière plus saine de gérer tout ça.
Comme mis au sol par mes dernières paroles, je sens ma colère partir aussi vite qu'elle est montée quelques minutes plus tôt, me laissant encore plus vide.

Je ne réalise pas vraiment que je suis de nouveau aux commandes, que Taz s'est retiré. Ce petit con. Si je pouvais, je crois que je le frapperais là maintenant. Comme toujours, faut qu'il foute le bordel et que je me retrouve derrière à devoir gérer les conséquences. Nos switch sont toujours un peu étrange à vivre, comme si on était tous les deux à l'avant d'une voiture, l'un comme conducteur, l'autre comme passager, et qu'en un clignement de paupière, on avait échangé nos places. Si proches, mais avec des perspectives différentes, pas les mêmes responsabilités, pas le même champ d'action. Je sens la nausée me prendre à la gorge, et la fatigue de la soirée me retomber dessus d'un coup. Ma voix est faible quand j'arrive à lancer à Sasha :
- On peut rentrer ?
Je croise les doigts pour qu'il ne pose pas trop de questions. J'ai pas la force d'essayer de trouver des explications. Je veux juste partir de là, m'écrouler dans mon lit et essayer d'oublier cette soirée merdique.