C’est un peu étrange de se retrouver là. Dans le salon de Gaelan, monsieur Anderson, je n’avais jamais eu a usé de son nom encore, mais je l’appellerais sûrement comme ça. Je retrouve un peu mon souffle quand il s’échappe dans la salle de bain. La nuit avait été courte, mais si je ne l’avais pas croisé ce matin, dans cette tenue… J’aurais laissé un mot, après avoir vérifier que Maelann allait bien, et que tout était en ordre. Mais son invitation me touche. De plus il est déjà en train de redescendre avec ce petit coeur qui me tends les bras.

Princesse dans une robe toute simple, petit ange aux grands yeux clairs, ceux de son père, elle est fière de tourner devant lui. Un sourire pour toute réponse. Ce n’était pas tellement la place d’une nounou d’être là au petit déjeuner comme une invitée non? En rentrant très tard, Grand-mère m’aurait ouvert, aurait trouver le moyen de m’aider à regagner ma chambre, mais … Giovanni était là… Alors j’aurais probablement dormi dans la serre pour ne pas avoir à être contre lui. Cette pensée me répugne et rapidement je préfère revenir avec ces deux personnes aux yeux céruléens.

Un sachet de thé glissé dans la tasse, je le laisse s’infuser en regardant Maelann monter sur les genoux de son père. Il m’était souvent arrivé de me demander comment une femme avait pu laisser cet homme seul. Gaelan était la douceur même , et Maelann… Une petite tornade tellement attachante. Je n’arrivais pas à comprendre.. Jamais moi je les aurais laissé. « Je ne l’ai pas fait pour l’argent. J’étais inquiète de ne pas vous voir revenir, mais je n’aurais jamais laisser Maelann seule. Ne vous en faites pas, ça m’a fait plaisir de rester. » Bien plus qu’il ne le pensait, échapper à mon « fiancé » était un soulagement. Alors en quelque sorte il m’avait rendu service.

Inquiète, je préfère lui demander s’il va bien, m’assurer qu’il n’avait pas eu de soucis hier soir. Des jeunes surement un peu trop alcoolisés et dans leur fête pour se préoccuper de la vie privée du barman. Je trempe mes lèvres dans le thé encore chaud, j’aime le boire comme ça, ou alors glacé, rassurée de sa réponse. « Merci.. Ça à l’air délicieux. » Je prends un pancake avec envie. Mes porridges, et autres fruits super sains et énergétique étaient loin, ce matin je voulais profiter d’être ailleurs, loin de la Mélusine habituelle. Je croque un morceau et me délecte de cette merveille. « Hmm.. Oui oui, ne vous en faites pas, je crois que je pourrais dormir n’importe où. Et j’étais bien mieux ici que chez moi. » Pourquoi je lui dis tout ça. Je continue de manger le pancacke en ajoutant un peu de pâte à tartiner dessus. Je tends avec malice celle-ci vers Maelann pour qu’elle profite pour la lécher. « Vous ne dormez pas beaucoup..? » Constat, plus qu’une question.. La fatigue allait avoir raison de lui..

Les voir ensemble, père et fille, c’était court habituellement mais là pour le coup j’allais passer un moment avec eux. Autre qu’un « bonjour » et la description de l’état de cette petite avant que je ne commence mon rôle de nounou. J’étais contente d’avoir pu trouver un job comme celui ci. Monsieur Anderson, Gaelan, était super, et Maelann était un ange. Et je pouvais échapper à mes parents, loin d’eux à l’autre bout de la ville. « Je vous assure Monsieur Anderson, c’est ok. Tant que vous êtes bien et Maelann aussi , c’est bon.. Et vous m’avez permis de dormir ici et de manger avec vous… C’est tout ce qui compte. » Je n’avais pas envie qu’il paye encore plus alors que j’avais bien compris sa situation. En prime, c’était pas gagnant que pour lui que je sois rester, si j’avais pu garder la petite durant son absence, j’avais surtout échappé à Giovanni.. Et c’était tout ce qui comptait.

Et il allait bien lui aussi, rien de grave au travail, c’était un retard juste habituel. Et moi si j’avais bien dormi? C’était amusant qu’il demande alors que c’était lui qui était rentré tard et qui avait probablement le moins dormi. Il me confirme dormir très peu.. Je regarde mon thé en soufflant dessus légèrement. « Elle adore ses moments avec vous, au parc surtout , elle m’en parle beaucoup. » Et à trois ans, elle savait se faire comprendre. Un sourire étire mes lippes quand je vois la petite se mettre de la pâte à tartiner partout, je tends alors ma main pour venir prendre ce qui est au coin de sa bouche avec mon pouce avant de le porter à mes lèvres. Geste innocent.

Sa question me fait sourire pour ne pas perdre la face. Giovanni… « Hier soir ma mère a été un peu étouffante, j’aurais dû être a une soirée de charité… Un truc du genre Gala ou je sais pas, et … comme j’étais pas là , elle a insister pour que je rentre…Mais je n'aime pas ce genre de soirée. » Je ne voulais pas parler de Giovanni, comment expliquer ça a un homme qui ne me connaissait même pas… Justement, il ne savait rien, il ne pourrait pas juger et je pourrais vider mon sac… Un soupire m’échappe lorsque mes pensées moulinent. « J’aurais du être accompagné le fils d'un ami de mes parents. Je sais c’est vieux jeu, mais… C’est plus compliqué que ça...Et du coup j'étais mieux ici.. » Je vois que la petite tend les mains vers son verre, je l’aide à le prendre…

Un sourire tendre sur mon visage lorsque le père passe sa main dans les cheveux de sa petite. Je ne peux m’empêcher de trouver ça sexy, c’est étrange hein, mais le voir comme ça, cette relation, ça me donne envie un jour d’avoir une famille heureuse, d’avoir un enfant avec qui tout irait bien, m’imaginer même dans leur bulle , à l’abri de tout le reste…
Et pourtant je ne me m’empêcher de me dire que ce ne sera pas ça. Si un jour enfant il y a , Giovanni ne serait pas aussi adorable que Gaelan, ni aussi fusionnel avec je le sais, il l’a déjà fait entendre à plusieurs repas d’affaires que les enfants c’était pas pour lui et qu’il était hors de questions que lui ou sa femme s’en occupe, les nounous étaient là pour ça… Et ce n’était pas mon envie, ma conception de la famille, de celle dont je rêvais…

Les yeux attendris par cette vue, cet homme et cette petite, qui me réchauffait le coeur, avec qui j’avais envie de rester… « Je parie qu’elle aimera la prochaine, on va au zoo, je veux profiter du soleil pour manger en extérieur et rendre visite aux animaux. » Ce n’était pas que j’acceptais leur traitement, mais ils étaient élevé en captivité pour la plupart et ne pourrait jamais être relâcher alors autant faire découvrir le monde à cette petite. « Vous voulez venir avec nous? » Un jour où il serait de repos, une sortie tout les trois… Pas que je veuille prendre le place de sa copine, de sa mère enfin… Je ne voulais pas qu’il y ait méprise. 

Geste vers la petite pour ramasser le chocolat à ses lèvres. Explication sur la gala de la veille, Giovanni avait dû s’y rendre seul, et tant mieux pour lui. « Non non.. Ne vous en faîtes pas , vous pouvez demander il n’y a pas de mal. » Je le fixe un instant, la tristesse dans mon regard et bois une gorgée de mon thé avant de répondre. « Non il avait lieu hier mais je n’ai aucun soucis avec mon absence à celui-ci, rassurez vous, vous m’avez vraiment retiré une épine du pied. Et ma mère… Elle s’en remettra ne vous en faîtes pas , vraiment.. » Ma main a envie de prendre la sienne, de le rassurer. Garder Maelann était un soulagement plutôt qu’aller à cet évènement… « Oui.. Giovanni est mon fiancé.. » Avouais-je ensuite comme coupable à demi-voix. Alors que j'aimais être ici, que la vue de son corps, celui de mon patron était une surprise bien plus qu'agréable, je ne pouvais pas oublier que c'était interdit, car je m'étais engagée , un peu de force tout de même, ailleurs.

Invitation innocente, je ne pouvais pas nier avoir envie qu’il vienne avec nous, mais c’était peut-être mieux qu’on aille se promener pendant qu’il dorme, il pourrait se reposer, et nous rejoindre ensuite… Les plans tournaient dans ma tête alors que ma main vient trouver le coin des lèvres de la petite fille pour y retirer du chocolat. « Je crois qu’on adorerait ça. Et on trouvera le bon jour pour tout le monde. » Un moment où nous serions prêt tous les trois à rencontrer les lions et autres animaux sauvages…

La discussion est naturelle, et ma place ici est presque comme logique. J’ai l’impression d’avoir toujours fais parti de cette famille, de leurs vies, autant qu’ils comptent pour moi… Je savais que ce n’était pas raisonnable que j’aurais dû garder mes distances, mais … Ici à table avec eux c’était tout bonnement impossible. Les révélations sur la soirée de la veille loupée, mais surtout sur Giovanni… Mon « fiancé », était un retour à la réalité brutale. Trop pour un petit déjeuner avec ces deux personnes extraordinaires. Mais c’est la réalité, c’est mon monde, ma vie, et je sais que dans quelques mois, tout au plus un an, je ne ferais plus partie de la leur. Maelann s’éloigne et file jouer. Félicitations…

Je plonge mon regard dans ma tasse de thé. Ce n’était pas tout à fait le mot qui était le plus adéquate. Secouant légèrement la tête. « Ce n’est pas nécessaire… » Je murmure. Il n’a pas besoin d’avoir les excuses de Gaelan, .. Il n’était qu’une ombre dans ma vie, et Gaelan était ce sourire dont je rêvais au quotidien, c’était Giovanni qui aurait dû s’excuser de ce qu’il allait faire en me mariant, en Italie… « Février… » Je le sens bouger, je ne relève pas les yeux de ma tasse, tâchant d’être neutre et pas remplie de dégout en parlant de mon « fiancé ». « Dans un an.. Enfin ce sont les termes.. de l’engagement. » Du contrat. De ce satané contrat…

« Gaelan.. Je … Je devrais rentrer je crois… » Dis-je, le coeur serrer, l'envie de fuir loin de ce pacte emportant Gaelan et Maelaan avec moi, en me levant et en apportant ma tasse vers l'évier où il se trouve, gardant une distance de sécurité, comme pour ne pas nous faire plus de mal à tout les deux. "Je.. Merci pour ce petit déjeuner..." À mi-voix en relevant mon regard dans ses iris céruléennes. "Et merci pour cette nuit."