Nous sommes le 31/10/1987 lorsque moi, Norah, bébé tant espéré et attendu, je pousse mon premier cri. Un parfait mélange de mon père et de ma mère, né de l'amour entre un américain et une arabe. A ce moment là, mon père a 35 ans et est capitaine des pompiers à New York et ma mère, tout juste 30 ans, est institutrice dans une toute petite école d'Harlem. Il ne manquait plus que l'arrivée d'un enfant pour que tout soit parfait et me voilà, moi le bébé "lumière". Le moins que l'on puisse dire, c'est que j'ai grandi dans une famille aimante, pleine d'empathie et de respect pour les autres. Je n'ai jamais vraiment souffert de ma double nationalité dont je suis tellement fière et je crois que je ne remercierai jamais assez mes parents pour ce petit héritage qu'ils m'ont fait.

Quoi dire sur mon enfance et mon adolescence, à part que j'étais du genre bonne élève, à travailler dur pour obtenir ce que je voulais et puis en ayant une maman institutrice, j'avais plutôt intérêt à rester dans les clous. Je crois, je suis même sûre que c'est ma mère qui m'a transmis cet amour pour l'éducation et les enfants, alors c'est tout naturellement qu'après mon diplôme, je me suis lancée dans les études nécessaires pour devenir, à mon tour, institutrice. Avec ma mère pour m'aider à réviser, je n'avais pas énormément de crainte pour l'obtention de mon diplôme et ma voie semblait être toute tracée...

J'ai 25 ans et je viens tout juste d'avoir mon diplôme. Je me retrouve dans un café avec un groupe d'amis et c'est là que je l'ai rencontré, lui. Celui qui va changer tous mes plans, celui qui va secouer tout mon univers. Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Je le vois les yeux fixés sur son téléphone, à ne pas réagir alors que la serveuse n'arrêtait pas de l'appeler pour qu'il aille chercher son café. N'ayant pas trop de temps, mon impatience a frappé et j'ai pris son café à sa place avant de le boire, devant lui, sourire aux lèvres et regard malicieux. Je crois que c'est à ce moment là, quand mon regard a croisé le sien, que j'ai su que ce serait lui et personne d'autre.

Et puis, quelle est la probabilité pour que nos chemins se croisent dans un café à New York alors qu'il y a en a des milliers dans cette ville ? Je ne sais pas ce qu'il m'est passé par la tête pour que j'ai le cran de prendre le café qui lui était destiné et pour le boire devant lui... En tout cas, je remercie le destin de m'avoir fait agir comme ça parce que sans ça, je n'aurai jamais pu le rencontrer et la suite, n'aurait rien eu d'un conte de fées. C'est allé vite entre nous, un peu trop vite et mes parents ont eu un peu de mal à s'y faire mais je n'ai eu aucun regret. Au fond de moi, je savais qu'Andrew était celui qui m'était destiné alors pourquoi perdre son temps à attendre ? Seule ombre au tableau, son travail. Pilote dans l'armée, il est sans cesse obligé de partir et je crois, qu'indirectement, c'est ce qui a un peu accéléré les choses pour nous.

Un soir, on a fait un petit détour pour retourner au café où nous nous sommes rencontrés la première fois. C'est stupide mais ça me fait bizarre de retourner ici... On commande, comme d'habitude et lorsque la serveuse m'appelle pour que j'aille récupérer le gobelet de café, ce dernier est vide. Je jette un coup d'oeil à la serveuse qui d'un signe de la tête me fait signe de regarder dans le gobelet. Je m'exécute perplexe avant d'y voir un écrin. Mon coeur s'emballe et quand je me retourne pour jeter un coup d'oeil à Drew, il est là, derrière moi, à genoux et me fait sa demande, au milieu des clients, dans ce café qui a été le témoin du début de notre histoire, du début du "nous". Quelques mois plus tard, nous voilà mariés et me voilà Madame Miller. Mais le travail de Drew prend beaucoup de place et nous devons déménager...

D'abord une fois, puis une seconde et il y a tout juste 5 ans, nous nous retrouvons ici, à Brindleton. C'est à ce moment là que l'envie d'avoir un enfant se fait ressentir mais Andrew doit de nouveau partir en mission... Je ne veux pas, comme à chaque fois mais cette fois, il me promet que c'est la dernière fois et que nous construirons notre famille à son retour...

Retour qui n'aura jamais lieu... C'est l'année de mes 33 ans et un matin, alors que je me lève pour aller travailler, une voiture se gare dans l'allée de la maison. Mon coeur se serre parce que je sais déjà ce qu'on va venir me dire... De retour, il n'y en aura pas... Drew est mort en mission, son appareil s'est écrasé non loin des lignes ennemies et il est impossible qu'il est pu en réchapper. Au départ, je n'y crois pas, je fais tout pour me convaincre du contraire surtout que là, j'ai besoin de lui. Deux jours avant l'annonce de sa mort, j'apprend que je suis enceinte et que ce projet de famille qu'on a tous les deux, je vais devoir le mener à terme, sans lui. Mon monde s'écroule, tout devient sombre et je ne suis plus qu'une ombre... Il y a la famille, les amis aussi mais je me sens vide, comme si une partie de moi m'avait été arraché. Je sombre dans la dépression, j'essaie de m'accrocher à cette grossesse que j'aurai du vivre avec lui. Je ne mange plus, je dors très peu et rapidement, on m'annonce que si je continue comme ça, le bébé risque beaucoup de choses... Je crois que c'est l'électrochoc qu'il me fallait puisque je relève petit à petit la tête et je me reprend en main. Amy est née le 20 juillet 2021 et c'est ma plus belle fierté, le plus beau cadeau que la vie m'ait fait... Elle ressemble tellement à son père et quand je la regarde, j'ai l'impression de voir ses yeux au travers des siens...

Aujourd'hui, j'ai essayé de refaire ma vie mais je n'y arrive pas... mon couple est au bord de la rupture et je ne fais rien pour empêcher que ça s'arrête... Je crois surtout que j'arrive à une période de ma vie où j'ai besoin de me consacrer uniquement à ma fille... juste elle et moi.

Et comme à chaque fois que je veux prendre une décision importante, je grimpe dans la voiture et conduis jusqu'au cimetière... J'ai besoin de lui parler, de lui demander son avis même si je sais que je n'aurai pas de réponse... J'ai besoin de venir ici parce que ça me donne l'impression d'être proche de lui, même si la tombe est vide... J'y reste des heures, à genoux, à chanter cette chanson qu'il aimait bien et à pleurer parce que je n'y arrive pas... parce que je suis incapable d'avancer sans lui...