Sur le bord d’une route, année 1993

« POUSSE » Entre les cris et les allaitements de douleur de sa femme, Mr Walker trace sa route, pas stressé pour deux sous.. « J’aimerai bien t'y voir toi, imbécile. Je ne fais que ça, pousser. Si t’avais su la garder dans ton pantalon. » Pour les éclats de voix, elle est forte. Pour les accusations, elle ne semble pas souffrir outre mesure. S’il forme un joli couple sur les tabloïdes, la vérité c’est quand dehors de la scène, ils n’ont pas grand-chose en commun. C’est la seule chose qui les rassemble, et comme ils baignent dedans toute la journée, ne s’accordant aucune pause, eux ça leur suffit. Mais rien, ni personne ne les a préparé à la vie de famille, à l’éducation de leur premier enfant – non désiré, erreur de parcours. « STOP, STOP, STOP. ARRÊTE TOI » Elle hurle, et ils n’atteindront jamais l’hôpital pour qu’elle puisse mettre dignement cet enfant au monde, puisque la tête du bébé apparaît déjà entre ses jambes. « Bordel, ce que ça fait mal » Elle serre les dents, pousse, et pousse encore. Le travail lui semble durer des heures. Temps que Mr Walker met à profil pour répondre à un mail du travail, quand enfin les premiers pleurs se font entendre. « Tu ne veux pas le faire taire un peu, ça me casse les oreilles » Ce sur quoi sa femme, aussi détachée que lui, lui répond « Tu crois que je sais comment faire, t’as qu’à t’en occuper toi, t’es si fort. » Il enclenche de nouveau le moteur, et les voilà qui filent en direction de la maternité. « C’est quoi ? Une fille ou un garçon » Il s’interroge enfin, parce que jusque là ils n’avaient jamais voulu savoir, préférant faire comme si ce bébé n’existait pas. Après une rapide vérification, la sentence tombe. « Garçon » Pas de joie, pas de déception, juste une réaction des plus platonique. « Au moins, on aura limité la casse. » Lorsqu’il arrive à la maternité, c’est un soupire de soulagement qui s’échappe de la mère lorsqu’on récupère le bébé pour s’assurer qu’il va bien. « Félicitons, c’est un merveilleux petit garçon. Comment l’avez-vous appelé ? » Un échange de regard décontenancé plus tard, Mr Walker hausse les épaules. « Vous n’avez qu’à l’appeler Tom, c’est mon nom de scène du moment » La mère ne trouve rien à redire à cette idée.

C’est sans doute un miracle que Tom n’est pas été laissé sur le bord de la route à peine né. Mais en fin de compte, peut-être cela aurait-il mieux valu.

Les premières années de sa vie, 1994

« Prenez-le, vous n’avez qu’à trouver son père, on m’attend » Mme Walker se débarrasse de Tom comme d’une poupée dans les bras d’un des réalisateurs du tournage. On l’attend sur scène, et à peine âgé d’un an, ce pauvre gosse est déjà devenu un poids duquel elle ne souhaite pas s’encombrer. Il passe de bras en bras, jusqu’à ce qu’on déniche enfin son père, qui l’expédie d’un simple « J’ai pas le temps pour ça, occupez-vous de lui. » Dubitative, la pauvre femme ne sait quoi faire de ce bébé qu’elle n'a jamais gardé. « Ne vous en faites pas, vous serez augmenté en conséquence » Indignée, la jeune femme fait demi tour avec le petit Tom dans les bras, bien décidé à le protéger de ses parents indignes.

Sur un studio, année 1998

« Maman, papa, regardez-moi, je suis le roi du monde » A l’âge de cinq ans, Tom est intrépide, il grimpe dans tous les arbres, sur toutes les plate-forme qui sont à sa taille. « Pas maintenant, Tom, on travaille, va faire tes idioties plus loin » Frustré, le garçon soupire. C’est toujours comme ça, ils n’ont jamais de temps pour lui. Rien n’est jamais assez pour s’intéresser à lui-même deux minutes. Il ne peut même pas partager ses premières découvertes avec ses copains, il n’en a pas, les joies de l’école à la maison. Ses parents naviguent trop pour qu’on puisse l’inscrire dans une véritable école. Le soir, lorsqu’il se couche, il rêve d’une journée, juste une, où ses parents ne seraient rien qu’à lui.

Devant les caméras, année 2003

« Tom, tiens-toi mieux.. Tu n’es pas dans ta chambre là, tu tournes pour un film. Des millions de spectateurs vont te voir, alors redresse-toi. » Des ordres, toujours des ordres. Toute sa vie ne se résume qu’à ça. Pas de plaisir. Pas de cadeau. Pas de bonheur. Juste des ordres, des reproches, et des actes manqués. Depuis la caméra, on observe le garçon se redressait, afficher un sourire, et faire semblant. A dix ans, sa vie n’est déjà qu’un odieux mensonge.

Dans son coin, année 2006

Le garçon grandi.. Et dans la lignée de ses parents, il n’a eu d’autres choix que de continuer sa carrière dans le cinéma. A treize ans, il est recruté pour son premier grand rôle. Il ne jouera plus les petits rôles sans importance, non, là c’est lui que les caméras braqueront.. C’est lui qui sera au centre de cette nouvelle série qui promet un énorme succès. Lui est une fille de son âge. Dans son coin, il fait pas le malin. Il se pose un tas de question, ne sait pas de quelle manière agir. Comme à chaque fois, ses parents l’ont déposé devant la porte, et ont tracé leur chemin, le laissant seul dans ce nouveau passage de sa vie. Ils n’ont été là dans aucune des grandes étapes. Il appréhende, tremble presque. Dans ses yeux on découvre le doute, le doute de ne pas plaire, de ne pas avoir de feeling avec la fille qui sera sa partenaire pour des heures et des heures de tournage. Mais alors qu’il approche du plateau de tournage, elle est là, à quelques mètres, jolie, souriante. Et lorsqu’elle se retourne, c’est ce sourire qui lui fait oublier tous ses tracas. Tant qu’elle sera là pour lui sourire, ça ira.

Dans sa chambre, année 2010

« C’est non. Anthéa est mon amie, je refuse de lui faire croire une telle chose pour arranger vos petites affaires » Il croise les bras, c’est hors de question. « Il n’est pas question de lui faire croire que tu as des sentiments. Ses parents sont au courant, ils sont d’accord avec nous. Le public vous réclame, ils vous veulent vous, ensemble. » Il grince des dents. Ca l’agace, ses parents ont toujours réponses à tout.. Il n’a pas envie de faire ça. « Je vous hais. Vous êtes les pires parents du monde. » Il bouscule ses parents, dévale les marches et fuit cette baraque de fortunés. Demain est un autre jour, demain il fera semblant. Parce que de toute façon, il n’a pas le choix. Mais ce soir, il doit évacuer sa rage, la tension.

Sous le flash des projecteurs, année 2011

Il l’embrasse. Un flash retenti, alors il reste quelque seconde de plus, lèvres contre lèvres, juste pour le plaisir de la foule. Sa rage boue au fond de lui,  c’est sa meilleure, son tout, mais jamais il n’a imaginé la jeune femme comme ça. Elle est trop pure, trop douce pour qu’il la salisse avec ce genre d’histoire. Combien de temps ce petit jeu va-t-il encore durer ? Anthéa s’écarte et lui affiche un grand sourire.

Les temps passe, mais ce petit jeu ne l’amuse pas. Il s’écœure, se dégoûte. Parce qu’à chaque fois qu’il croise le regard enamouré de sa meilleure amie, il se déteste un peu plus de lui faire ça. A chaque nouveau baiser son cœur bat fort dans sa poitrine. Et à chaque nouveau baiser, il se rend un peu plus compte de la vérité. Il l’aime. Oui il l’aime. Mais c’est impossible. Il n’entachera pas sa vie avec la sienne, avec l’ombre de ses parents sur son dos. Ca ne pourrait que mal finir. Il s'interdit de la faire sombrer, de lui infliger ça. Alors, il commence à déconner. Une première fille tombe dans son lit , une inconnue, une fan, il ne se rappelle même pas son nom, pourtant c’est avec elle qu’il a perdu sa virginité. Mais il s’en fiche. Lui, ce qui l’intéresse c’est de faire chier ses parents, de les contredire, d’entacher leur carrière. Les filles s’enchaînent, les femmes, jusqu’au scandale. Il ne prend pas garde, et bientôt il est découvert avec une femme. La presse s’empare du sujet, la vérité éclate, entache sa carrière, le nom de ses parents. Pas longtemps, avec les bonnes relations, ils réussissent très vite à se démêler de cette affaire, mais ce ne sera pas suffisant, le mal est fait. Son rôle d’Ayden lui passe sous le nez, la série le recale pour préserver l’image d’Anthéa. Leur amitié est brisé, il n’ose même plus lui faire face. Il trace sa route sans un regard en arrière, sans un mot, sans une explication.

Au bord d’une falaise, année 2018

Son appareil a la main, il observe l’étendu bleu plusieurs mètres plus bas. Il porte l’objet à son œil, cadre. Clic. Il souffle, il respire. Y a que ça qui réussi à le détendre, à faire diminue ce stress immense sur ses épaules. Il prend les vagues sur le fait, les gens qui se baignent, qui surf, font de la voile. Il capture tour et n’importe quoi. Il mitraille, mais c’est ca qui lui fait du bien. Quand il décide de revenir vers sa voiture, sa mémoire est pleine de photo paradisiaque qu’il exposera chez lui après les avoir développé.

Dans sa bagnole, année 2020

Les années se sont écoulés, entre dispute avec ses parents, éclats de scandale. Il est dans tous les articles de la presse a scandale. Il enchaine les conneries, les filles, les fêtes. Plus rien ne va. Plus rien ne l’attire si ce n’est faire chier ses parents, les contrarié. Ca l’amuse de les rendre chèvres. Dans sa bagnole, il tire une latte de cigarette. Un flash. Il démarre au quart de tour, la rage explose en lui, il s’extirpe de la voiture, s’avance vers le paparazzi venu interrompre son rare moment de calme. Et son point se précipite contre le nez de l’homme. Bim. Nouveau scandale. Encore un. Un de plus. Après les rubriques love, fête, voilà qu’il va afficher un gros VIOLENCE à son casier.

Toujours dans sa bagnole, année 2022

Les conneries, encore et encore, c’est ce qui a rythmé sa vie ces dernières années. Jusqu’à ce qu’il dise stop. Il n’a plus envie d’une vie comme ça. Il aime ce qu’il fait, jouer, interpréter. Mais la vie qui va avec.. Ca l’étouffe, il se sent en permanence surveiller, par sa famille, par le public, il déteste ça. Alors, du jour au lendemain, il plaque tout, il balance son portable à la flotte, ne prévient ni famille, ni personne, et il s’expatrie sur cette petite île qui lui apportera la liberté qu’il espère.